Catillopecten vulcani (Schein-Fatton, 1985)
SCHEIN-FATTON, E. 1985. Découverte sur la ride du Pacifique oriental à 13°N d’un Pectinidae (Bivalvia, Pteriomorphia) d’affinités paléozoïques. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des Sciences [Série III: Sciencies de la vie], 301 (10): 491-496, pl. 1. [p. 491, pl. 1, figs. 1-7]
1985 Bathypecten vulcani Schein-Fatton, 1985
E. Schein-Fatton, 1985, plate 1.
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«MATÉRIEL. — Sur la dorsale du Pacifique oriental, la campagne Biocyarise a permis d'explorer entre deux sites actifs, Pogosud et Parigo [2], un espace ne présentant que des signes d'une activité hydrothermale révolue où deux sites faunistiques, Pogomort 1 et Pogomort 2, ont été découverts. Accompagnant de nombreux Mytilidae et divers autres organismes, les Pectinidae, très abondants, atteignaient une densité de 30 à 50 individus par mètre carré selon les observations de R. R. Hessler [6]. Les spécimens ont été prélevés au cours de deux plongées de la soucoupe Cyana sur le site Pogomort 2 (12°48'80''N-103°56'60''W, 2620 m de profondeur). Plongée 33 un spécimen bivalve désigné comme holotype, un autre plus petit, brisé et incomplet, un sommet de valve gauche et des fragments. Plongée 37: un sommet cassé de valve gauche. Les coquilles étaient attenantes aux fragments conservés de parties molles. Ce matériel est déposé dans les collections de Malacologie du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris. Il nous a été confié par le CENTOB (Brest)
DESCRIPTION. — L'holotype a une hauteur de 14,2 mm et une largeur de 12,9 mm; son contour sans obliquité est donc plus haut que large. La valve droite (pl., fig. 1-2) sur laquelle la coquille repose en position de vie, est plate. Elle paraît légèrement concave mais cela peut être dû à la rétraction des tissus après la mort et à la moindre résistance de cette valve par rapport à la valve gauche. Les rides concentriques de la valve gauche (pl., fig. 6-7) ne sont nettement marquées que du sommet jusqu'à la mi-hauteur où une quinzaine d'entre elles d'importance inégale peuvent être dénombrées. Elles s'estompent ensuite progressivement en s'espaçant vers le bord. Sur la valve droite leur relief est beaucoup plus faible. Comme chez tous les Pectinidae, le ligament est interne avec un cartilage (resilium) dans une fossette triangulaire sous le crochet. Le long du bord dorsal rectiligne, la face interne des oreilles présente une étroite bande striée mais il n'y a pas de crura auriculaires (pl., fig. 4).
La microstructure de la couche externe de la valve droite est de type prismatique avec des modalités bien particulières. Les prismes sont disposés en rangées concentriques conformes aux stries de croissance. Leur taille varie selon les rangées avec une alternance plus ou moins régulière: en fait, ces rangées sont groupées par bandes à l'intérieur desquelles apparaît un gradient de taille et de forme. D'abord petits et subarrondis, les prismes s'allongent rapidement et deviennent subrectangulaires avec leur plus grande dimension parallèle à la direction de croissance (pl., fig. 3 et 5). Les plus grands, au centre de la coquille, peuvent atteindre une longueur de 150 à 200 μm. Ils constituent une seule couche et leur épaisseur est nettement inférieure à 10 μm. La coquille larvaire n'est malheureusement pas conservée sur le matériel récolté. Cependant, sur le petit spécimen de la plongée 33, le vide laissé par la prodissoconque présente un diamètre antéro-postérieur de l'ordre de 80 um et en tout cas inférieur à 100 μm. Une taille aussi petite pourrait correspondre à la prodissoconque 1 mais pas à la prodissoconque II d'une larve planctotrophique; elle est trop faible aussi pour une larve lécithotrophique [7]. Il n'est pas possible d'être plus précis en l'absence de spécimens mieux conservés. Remarques. — L'examen de la disposition, de la taille et de la forme des prismes à la surface de la valve droite indique que les variations observées pourraient être liées à des fluctuations de la vitesse de croissance. La place des arrêts de croissance par rapport à la taille des prismes suggère un phénomène du même type que celui déjà signalé chez Calyptogena magnifica [8]: ils peuvent intervenir au cours de phases de croissance dont le caractère lent ou rapide est souligné par le type de microstructure mis en place (pl., fig.5).
Il faut signaler, surtout sur la valve supérieure, l'existence d'une mince pellicule mordorée et de petits granules brun foncé (pl. fig. 6-7) vraisemblablement de nature métallique. Le sommet des spécimens étudiés au microscope électronique à balayage est apparu très corrodé, ce qui explique l'absence des prodissoconques. Mais il n'est pas possible de dire s'il s'agit, comme chez Calyptogena magnifica [8], d'une corrosion naturelle du vivant de l'animal. AFFINITÉS. — Les affinités de cette nouvelle espèce se répartissent entre les familles des Pectinidae et des Propeamussiidae et certains Pectinacea du Paléozoïque.
C'est surtout par la prédominance de la calcite foliée dans le test que B. vulcani se rattache aux Pectinidae modernes et que se justifie pour l'instant sa place dans cette famille. Mais il en diffère par plusieurs points importants : valve droite plus plate que la valve gauche au lieu de l'inverse, absence de ctenolium, couche prismatique recouvrant toute la valve droite au lieu d'être limitée à une petite zone près du sommet [9]. Or, on retrouve les mêmes caractères chez tout un ensemble de formes représentées surtout dans le milieu profond et que T. R. Waller sépare des Pectinidae pour les regrouper dans les Propeamussiidae ([10], [11]). Ces derniers diffèrent de B. vulcani par la présence sur la face interne d'une couche d'aragonite lamellaire-croisée, s'étendant du sommet jusqu'audelà de la ligne palléale. Ils partagent cependant avec B. vulcani des caractères interprétés comme primitifs qui sont connus également chez divers Pectinacea du Paléozoïque étudiés par N. D. Newell ([12], [13]). En particulier, les prismes de la valve droite se disposent en rangées concentriques conformes aux stries de croissance, disposition commune à B. vulcani, aux Parvamussium et Cyclopecten (Propeamussiidae) du Golfe de Gascogne actuellement à l'étude, et aux genres Pernopecten ([10], [11]) et Euchondria du Carbonifère [12]. Mieux encore, il existe une curieuse ressemblance entre B. vulcani et une espèce paléozoïque encore plus ancienne que les genres déjà cités: Pterinopecten undosus (Hall) du Dévonien des États-Unis ([12], [13]) qui présente notamment des ondulations concentriques identiques. Deux aspects de ces ondulations du test sont à souligner. D'une part, elles semblent constituer une particularité actuellement liée au milieu profond: chez les Pectinidae, elles caractérisent le genre Hyalopecten uniquement abyssal, connu jusqu'à 7000 m de profondeur [14]. D'autre part, leur présence semble liée à la prédominance de la structure foliée: c'est bien le cas pour Hyalopecten et Bathypecten, et, de plus, chez ce dernier les ondulations sont beaucoup plus marquées à la valve gauche où la structure est entièrement foliée, qu'à la valve droite où une couche prismatique externe se développe. Justement, T. R. Waller [11] signale avoir mis en évidence de la calcite foliée chez un ptérinopectinidé du Dévonien. CONCLUSION. — Classée pour l'instant chez les Pectinidae, c'est cependant avec les Propeamussiidae que les affinités de cette nouvelle espèce sont les plus nombreuses. En effet, en première analyse, B. vulcani évoquerait plutôt un membre de cette famille ayant perdu secondairement son aptitude à mettre en place de l'aragonite lamellaire-croisée qu'un Pectinidae moderne. Il est cependant trop tôt pour en décider. Entre Propeamussiidae et Pectinidae, la séparation se serait effectuée au Trias [11], période à laquelle l'origine de B. vulcani devrait donc être postérieure dans une telle hypothèse. Mais on peut envisager aussi que, intermédiaire entre les deux familles, il soit le descendant de l'évolution séparée d'un ancêtre paléozoïque commun.
Quoiqu'il en soit, dans l'état actuel de nos connaissances, au sein des Pectinacea actuels du domaine profond, c'est des formes les plus primitives que B. vulcani est le plus proche. En outre, c'est l'espèce actuelle qui ressemble le plus à certains Pectinacea paléozoïques.» ÉLISABETH SCHEIN-FATTON, 1985
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