Aequipecten touila (Demarcq, 1988)
DEMARCQ, G. 1988. Chlamys touila n. sp. (Pectinidae, Bivalvia) du Langhien de Tunisie centrale. Geobios, 21 (3): 375-381, pl. 1. [p. 376, pl. 1, figs. 1-11]
1988 Chlamys touila Demarcq, 1988
G. Demarcq, 1988, plate 1.
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«ORIGINE DU NOM:
D'après le nom arabe du Djebel Touila (ou Touil), relief mésozoique proche du gisenent, constituant un des éléments de l'axe de la dorsale tunisienne, au SW de Kairouan, en Tunisie centrale.
DIAGNOSE:
Chlamys du groupe opercularis (Roger 1939, p. 123), à coquille mince, équivalve, presque équilatérale, légèrement plus large que haute, de faible convexité et d'angle apical très ouvert. Umbo peu développé. Ligne cardinale légèrement creuse. Encoche byssale marquée. La valve droite possède 15 à 17 côtes, la gauche 15 à 16, simples et régulières, sans aucune ornementation secondaire. Oreilles bien développées, légèrement relevées, les antérieures bien ornementées.
DESCRIPTION:
Les deux valves, pratiquement équilatérales, sont de forme assez arrondie, un peu plus larges que hautes (d.a.p. légèrement supérieur au d.u.p., voir tableau ci-dessus). Elles ont une très faible convexité, en général inférieure è 1/8 du d.u.p., assez variable selon les exemplaires. La valve gauche aurait tendanee à être légèrement plus plate que la droite. Elles sont minces et assez fragiles. L'angle apical est très ouvert (110 à 115 o) et étalé.
La valve droite montre 15 à 17 côtes, le plus souvent 16, bien marquées et saillantes mais à profil arrondi. Elles sont de même importance que les intervalles, si bien qu'en section leur ensemble dessine une sinusoïde régulière. Les côtes ont une légère tendance à s'aplanir vers le bord palléal, au niveau duquel - darts les exemplaires bien conservés - elles forment chacune une légère avancée par rapport aux intervalles. Elles diminuent régulièrement d'importance vers les bords latéraux; un léger filet, tel une côte fine, est souvent visible sur l'extrême rebord latéral postérieur et, parfois aussi, antérieur. Les oreilles sont bien développées et souvent légèrement relevées sur leur angle libre. L'oreille antérieure montre une encoche byssale bien nette; elle est allongée, parcourue par des stries d'accroissement au relief bien visible, recoupées par 3 ou 4 filets radiaires également bien en relief; ceci dessine une ornementation vigoureuse, treillissée comme une vannerie, contrastant avec celle, fort atténuée, de l'oreiUe postérieure. Chez celle-ci, l'angle fibre est d'environ 90°, ou même moins, et son côté basal se termine sur le bord latéral de la valve selon une courbe plus ou moins décurrente. Sa surface montre quelques stries d'accroissement irrégulières et peu développées, ainsi que 2 à 4 filets radiaires, fins et minces. La bordure cardinale des deux oreilles ne forme pas une ligne droite, mais légèrement creuse au droit de l'umbo, selon un angle de 170 à 180°. L'umbo luimême est assez plat, non débordant, symétrique, dé pourvu de trace de côtes. La surface externe de la valve droite ne montre pas d'ornementation secondaire, seulement de faibles stries d'aecroissement, irrégulières, plus marquées vers la périphérie palléale. Il n'y a aucune strie transversale ni oblique, ni aucune granulation, ni aucune costule radiaire. C'est une des morphologies les plus "dépouillées" que montrent les Chlamys. La face interne de la valve droite reflète uniquement en négatif le relief des côtes et des intervalles. Toutefois, vers la mi-hauteur, la limite entre les deux dessine progressivement une arête, devenant bien marquée vers le bord palléal; de la sorte, la surface intérieure correspondant à chaque intervalle forme un relief plan, voire même légèrement concave, alors que la surface correspondant è chaque côte reste curviligne. Le cténofium, sur un épaississement assez court du début du bord latéral antérieur, ne porte que 2 à 4 denticules étroits. La fossette chondrophore est peu profonde, en triangle large et étalé. La valve gauche montre 15 à 16 côtes, plus souvent 15, de relief et de proffl comparable à ceux de la valve droite. Pareillement un filet s'observe sur chaque bord latéral. Exceptionnellement (échantillon FSL 74.206, pl. 1 fig. 7) une ou deux costules discrètes apparaissent dans les intervalles tout à fait antérieurs, à l'approche du bord palléal. La seule ornementation secondaire consiste, comme à la valve droite, en faibles et irrégulières stries d'accroissement. Les oreilles sont bien développées. L'antérieure montre un angle libre légèrement aigu (65 à 80°); elle se termlne à sa base, sur le bord latéral de la valve, par un raccord curviligne mais rapide et peu décurrent. Sa surface montre des stries d'accroissement assez bien formées, recoupées par 4 à 7 filets radiaires au relief bien visible, de plus en plus écartés vers la bordure cardinale. L'oreille postérieure, fragile, est plus développée que l'antérieure et descend plus bas sur le bord latéral de la valve. Elle ne montre que de faibles stries d'accroissement, visibles seulement près de l'umbo, et 2 ou 3 filets radiaires discrets. La bordure cardinale des deux oreilles forme une ligne droite. L'umbo est peu bombé, mais déborde légèrement la ligne cardinale, en une terminaison pointue et pourvue de côtes dèjà finement présentes. La face interne de la valve gauche montre à peu près la même morphologie que celle de la valve droite. RAPPORTS ET DIFFERENCES:
La nouvelle espèce appartient manifestement aux Chlamys du groupe opercularis L., tel que défini par Roger (1939, p. 123). Elle en posséde la minceur de la coquille, plus ou moins fragile, le contour arrondi, l'angle apical grand et étalé, la faible convexité, le crochet (umbo) ni contourné ni étaé. Le nombre des côtes est compris entre 15 et 20 (ici entre 15 et 17); elles sont simples, saillantes et les intervalles sont peu profonds. Mais ici l'ornementation secondaire est nulle, non écailleuse ni, à fortiori, épineuse.
De Chlamys opercularis L., la nouvelle espèce se distingue par le nombre moindre de côtes (15 à 17 contre 18 à 19) et l'absence totale d'ornementation secondaire. L'écart est encore plus grand vis-à-vis des autres espèces du groupe, si ce n'est de Chl. gentoni FONT., dont certains caractères sont communs, en particulier l'absence d'ornementation secondaire. En réalité celle-ci est nulle chez Chl. touila n. sp. alors qu'elle est parfois observable sur certains exemplaires de Chl. gentoni (Roger 1939, p. 143), sous forme de lamelles concentriques régulières. La plupart des espèces du groupe Chl. opercularis L. ont leurs deux valves également convexes, souvent même la valve droite est moins creuse que la gauche (Roger 1939, p. 183): Chl. touila n. sp. montre une légère tendance à l'inverse, caractère que l'on retrouve constant chez Chl. gentoni. Mais les ressemblances s'arrêtent là. Ainsi la forme de la coquille est plus étalée et le nombre de côtes est moindre chez notre nouvelle espèce (15 à 17 contre 17 à 21). Mais surtout l'on trouve des différences importantes dans le profil des côtes. J'ai comparé avec de nombreux exemplaires des Collections du Centre des Sciences de la Terre de l'Université de Lyon, en particulier avec les suivants :
On constate que chez Chl. gentoni, les côtes sont plus serrées, plus étroites, moins aplanies (surtout vers le bord palléal), avec des intervalles plus étroits. L'aire latérale postérieure de la valve gauche montre 2 à 3 filets, un seul chez Chl. touila n. sp.; l'oreille postérieure présente 5 à 10 costules, bien moins dans notre cas.
Les formes angusta et communis du Miocène de Perse citées par Fuchs (in Roger 1939, p. 143) de Chl. gentoni s'éloignent encore plus de notre espèce par leurs côtes plus saillantes et encore plus nombreuses. Quant au Pecten escoffierae FONTANNES (1878), il s'agit d'une confusion avec des exemplaires juvéniles de Chl. scabriuscula MATH. ou de formes voisines de Chl. gentoni FONT. (Roger 1939, p. 224) et l'espèce n'est pas valide. Chl. pruvosti DEMARCQ & BARBILLAT, 1965 - qui avait été confondu dans le passé avec Chl. gentoni FONT. - s'écarte encore plus de Chl. touila n. sp, par son plus grand nombre de côtes et par son ornementation secondaire caractéristique si développée. Aucune forme d' autres groupes de Chlamys n' est comparable avec notre nouvelle espèce, y compris celles de gr. scabrella LMK ou, si parfois le nombre de côtes est égal, les autres caractères (robustesse, convexité, ornementation secondaire etc...) s'en éloignent fortement. AFFINITIES ET PALÉOBIOGÉOGRAPHIE
En conséquence de ce qui précède, il est possible que notre nouvelle espèce dérive - au sein des Chlamys du groupe opercularis - de Chl. gentoni FONT., plutôt à partir des formes du Burdigalien de la vallée du Rhône que de celles de même âge (? cf. Roger 1939, p. 143) de Perse signalées par Fuchs.
Les relations biogéographiques de la plate-forme tunisienne à la fin du Miocène inférieur et au Miocène moyen devaient être largement ouvertes sur la Méditerranée occidentale, si l'on en juge par les affmités déjà témoignées par les faunes de la formation Aïn Grab: ainsi, chez les Pectinidés, l'abondance de Chlamys catalaunica ALM. & BOF. et, dans la coupe du Djebel Touila elle-même, de Pecten convexior ALM. & BOF.. Un phénomène de spéciation, à partir de Chl. gentoni FONT. - connu dans le Burdigalien et le Langhien du Sud du domaine rhodanien - à la faveur des nouveaux biotopes offerts au début du Miocène moyen en Tunisie, est envisageable, selon un processus anagénétique et une dispersion rapidement allopatrique.» GÉRARD DEMARCQ, 1988
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